
Un corps libre avec Madame Figaro : #été 2017
Dénoncer cet édito de Madame Figaro, au-delà de la dimension jouissive que cela apporte, m’a paru important tant il est un exemple parfait du ton condescendant et hypocrite si prisé de la presse féminine. Il est assez ahurissant et inquiétant d’observer une telle froideur envers les femmes en 2017, et ce venant d’un média qui se veut proche d’elles. Mais bon, je n’ai peut-être pas bien compris, et qu’en fait ce n’est qu’une question de mode, car en lisant leur article, c’est à croire que, chez Madame Figaro, l’infantilisation est tendance cet été…
Déjà, arrêtons-nous sur le titre de l’édito : un corps LIBRE. Rien que ça, ça donne envie de lire l’article étant donné que le terme « corps libre » dans un magazine féminin a plutôt tendance à se transformer en oxymore (D’ailleurs, notons que le mot « libre » est en majuscule, car après tout : plus c’est gros plus ça passe…).
L’édito commence joyeusement par un « Tiens, te revoilà, toi ! On t’avait un peu perdu de vue ces derniers temps. Ce vieil ami retrouvé, c’est notre corps… » Donc déjà, j’aimerais que l’on m’explique comment un magazine qui passe son temps à parler du corps des femmes pour l’habiller, le mincir et l’érotiser (entre autres) arrive à le perdre de vue… (#Amnésie)
Et puis c’est quoi ça : « un vieil ami retrouvé » ? A croire qu’on a ressorti notre corps tout poussiéreux du grenier juste pour l’été… Surtout qu’on est loin de le considérer comme un « vieil ami » ce pauvre corps avec la presse féminine, et aux yeux de cette dernière, il nous apparaît plutôt comme un ennemi qu’il faut tailler sans vergogne afin qu’il suive la silhouette d’un mannequin de 16 ans.
Heureusement, on comprend en fait que c’est juste parce qu’on le cachait par « fausse « modestie » » et qu’on suivait religieusement la mode du « pantalon large » et des « robes extra-longues » (Ou peut être parce qu’on ne joue pas les fausses modestes mais qu’on est vraiment complexées… D’ailleurs merci qui ?).
Ensuite, on tombe sur le cœur du message de Madame Figaro, en gras : « J’aime – j’adore ! – regarder les filles qui marchent sur la plage » (clin d’œil à Patrick Coutin !), suivi par « C’est un spectacle délicieux, tant s’y révèle la complexité du rapport des femmes à leur enveloppe ! ». A ce stade de la lecture, j’avoue ne pas avoir bien compris pourquoi il semblait si enthousiasmant et « délicieux » d’observer le rapport complexe que les femmes entretiennent avec leur corps (comme si voir une femme complexée sur la plage était un spectacle jouissif…). Et puis j’ai lu la suite… Madame Figaro (que l’on imagine irréprochable sur la plage question look) dépeint le « spectacle » qu’elle a sous les yeux, et là franchement ça fait mal, tant le ton suffisant est loin d’être déguisé.
Donc, « Il y a les godiches, blanches et rouges, qui courent maladroitement vers l’eau, pressées de s’y cacher. » (Oui oui « godiches »…), « Les jeunes déesses arrogantes, qui s’offrent un peu trop au soleil… », (#Jalousie) « Toutes celles qui ont encore cru qu’un maillot à culotte haute était l’allié des petits bedons… » (Notez les trois petits points à la fin qui suintent le dédain). On continue avec «Les pouliches montées en graine… », « Les filles trop bien élevées nouent leur paréo sur les hanches, même pour marcher cinq minutes ! » (Quelle honte en effet #soupir). Et enfin « des fesses un peu trop dodues pour leur contenant, mais qui jubilent visiblement d’être libérées ».
Devant cette avalanche de bienveillance, où tout le monde en prend pour son grade, il est clair que l’on a hâte de marcher sur la plage devant Madame Figaro.
Pour continuer sur ce ton hautain/méprisant/condescendant (entourez le mot qui vous convient le mieux), on arrive à l’apothéose de l’infantilisation (attention phrase en gras s’il vous plaît) : « Je me sens emplie de tendresse pour toute cette culture-plage made in France, finalement si bon enfant. »
Voilà. Tout est dit. C’est ça en fait, on est des grosses gamines. On est un peu « godiches », avec nos rapports complexes à notre corps. Mais bon, ce n’est pas trop grave, car heureusement on offre un joyeux spectacle à Madame Figaro qui nous toise délicieusement et qu’on « emplie de tendresse ». C’est vrai que sur la plage, « on est très loin d’un défilé Victoria’s Secret ». (Et oui elle s’acharne… Je vous rassure l’article est bientôt fini). Je passe sur la phrase « une infinie diversité de variations autour de la norme « sois mince et tais-toi » s’étend gaiement sur les foutas. » qui sous-entend gentiment que nous n’avons pas bien suivi les pages minceur des mois de janvier, février, mars, avril, mai et juin. (Oups !)
Pour finir, Madame Figaro nous explique qu’en France, les corps des femmes « sont globalement « bio », sans passage par le bistouri » (Là encore, on ne sait pas si elle le déplore ou si elle s’en accommode) et la phrase finale sonne comme une claque sur nos fesses dodues « Comment peut-on un instant se (nous) priver de ce plaisir ! ». Le plaisir de quoi ? De scruter le mal-être des femmes avec leur corps ? D’estimer l’insatisfaction, la haine de soi, le malaise des femmes face aux diktats beautés que tu instilles au travers de tes pages pour mieux vendre ?
Après lecture, je me rends compte que Madame Figaro est loin d’être hypocrite. C’est vrai quoi, comment peut-on imaginer un instant la priver de ce spectacle si réjouissant ?
Et puis, sachez que pour vous faire rentrer dans le rang, et obliger votre corps libre de vacancière à épouser les courbes photoshopées de la “cover girl”, Madame Figaro vous a concocté un sommaire du tonnerre : grâce à elle, vous saurez « comment porter le trench » ainsi que tout sur les nouveaux « gourous minceur » (Oui n’oubliez pas la norme c’est « sois mince et tait-toi » !). En passant par votre coaching ciblé des bras et des genoux ! (Et comme ça, si on suit bien ses instructions, on pourra faire un défilé Victoria’s Secret, #génial)
En conclusion, je crois qu’après un tel édito, je n’ai qu’une envie, c’est de traîner mon corps rouge et blanc de godiche jusqu’à la mer et de jeter Madame Figaro le plus loin possible. Et, si en faisant de la plongée, vous croisez des poissons qui portent bien le trench, ce sera grâce à moi.
Lise M.
Si vous souhaitez partager ou republier cet article, merci de préciser clairement la source originale (le lien vers cet article).
Merci également de ne modifier ni texte ni images de l’article original.


2 commentaires
Baudry Marie-Jo
On n’en attendait pas moins de Madame Figaro. Allez les godiches traîner sur la plage sous les yeux de Mme Figaro qui vous”admire”à sa façon.Merci Lise pour ce ” réjouissant”article.
Sana
2€ pour se faire insulter